"L'Allemagne paiera" ou Voyage au pays d'Angela d'Odile Benyahia-Kouider publié le 11/12/2013

 Depuis quelque temps, quand on parle de l’Allemagne, la conversation tourne vite court et glisse inéluctablement sur un terrain économique : oui, tout le monde le sait bien, l’Allemagne est plus riche que jamais et en toute logique, elle doit payer et éponger les dettes des uns et des autres ! D’où ce titre : "L’Allemagne paiera". Cette expression célèbre, forgée par le ministre des Finances de Georges Clémenceau en 1917, revient au goût du jour en cette période de crise européenne. L’auteur s’emploie en effet à montrer que l’Allemagne, au-delà de sa responsabilité dans la grande Histoire, a aujourd’hui une dette morale incommensurable à l’égard de l’Europe et du reste du monde.

 On pourrait donc croire que celle qui fut journaliste à Libération pendant seize ans se borne ici à évoquer en détails la situation économique de l’Allemagne, or il n’en est rien. Elle porte bien au contraire un regard plus large sur une société allemande en mal de reconnaissance.

 Les chapitres se déclinent autour de thèmes divers, éclairés sous un jour à la fois subjectif (née de mère allemande et ayant longuement vécu à Berlin, l’auteur parle en connaissance de cause) et objectif (reportage oblige, ce document est nourri de notes d’entretiens et de statistiques). J’en veux pour preuve les titres de certains chapitres : "Le pays des sans-enfants", "Le retour des juifs ", " Nous sommes pape !", "Tous les chemins mènent à Berlin " ou encore " Les fraises de Rostock ". Les références ne manquent pas, les pistes de lecture sont nombreuses. On pourrait cependant déplorer l’absence de bibliographie et sitographie exhaustive à la fin de cet ouvrage au demeurant fouillé et clair.

Bref, une lecture intelligente, associant indéniablement le plaisir de lire et de s’instruire !

 Extrait :

"Lundi 6 mai 2013, 6 heures du matin. La tension est palpable devant le tribunal correctionnel de Munich, bâtiment sans charme des années 1970. La rue Nymphenburg, qui conduit à l’ancienne résidence d’été des rois de Bavière, est envahie de manifestants. Cinq cents policiers ont été réquisitionnés. Des journalistes du monde entier ont planté leurs caméras sur la petite place bétonnée donnant accès au palais de justice. Des anonymes ont fait sonner leur réveil très tôt dans l’espoir de pouvoir assister à la première audience de ce procès, qualifié par les médias allemands de "procès du siècle". A 9h30, les familles des neuf petits commerçants turcs et grecs et d’une jeune femme policier assassinés entre 2000 et 2006, et celles des vingt-deux personnes blessées dans un attentat à la bombe, accompagnées de leurs avocats, pénètrent dans le tribunal. Cela fait un an et demi qu’elles attendent le passage devant la justice de Beate Zschäpe, l’égérie du trio néonazi responsable de ces dix assassinats. Cette Allemande de l’Est de 38 ans est la seule survivante de la cellule terroriste d’extrême droite NSU (National Socialist Underground, Clandestinité national-socialiste), rebaptisée par la presse Fraction armée brune, en référence à la RAF (Fraction Armée Rouge) qui avait semé la terreur en Allemagne dans les années 1970. Ses deux compagnons, Uwe Mundlos et Uwe Böhnhardt, avec lesquels elle a vécu dans la clandestinité durant quatorze ans, se sont suicidés le 4 novembre 2011."

(début du chapitre intitulé "Les petits-enfants de Hitler" p.161-162)

 Les échos dans la presse :

L’Allemagne paiera, Voyage au pays d’Angela,
Odile Benyahia-Kouider, Fayard 2013,
ISBN 978 - 2- 21- 367760-6
Prix : 18 euros